jeudi 12 mars 2015

L’eau changée en vin


Lecture : Jean 2 /1 à 12 : « Tel fut, à Cana en Galilée, le premier des miracles que fit Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. »
C’est le seul miracle de ce genre que Jésus a accompli. On peut en discuter l’utilité ou la signification, en donner de multiples interprétations comme cela s’est fait au cours des siècles, cela n’empêche que le fait est là et que ce miracle semble inaugurer le ministère public de Jésus.

Il convient d’abord de bien comprendre le mot miracle. Jésus n’a rien fait contre les lois établies par le Créateur par cette transformation matérielle instantanée. Théoriquement et scientifiquement cela est explicable mais pas forcément compréhensible pour notre intelligence limitée. Il en est de même pour tous les miracles et si Jésus les a accomplis c’est parce qu’ils constituent autant de SIGNES, c’est là le vrai sens que l’Évangile donne à ce mot « miracle », pour établir le fait de sa mission divine.
Le signe que Jésus consent à accomplir est le résultat de son désir de venir en aide aux créatures humaines en éveillant en elles un sens nouveau des réalités divines. Dieu n’est pas celui qui se cache et se dilue dans les abstractions philosophiques mais il est le Père de sa créature pour laquelle il a préparé tout un vaste plan de bonheur sans cesse croissant. Mais le bonheur n’est rien pour celui qui est inapte à le recevoir. La grande question qui se pose à l’humanité n’est pas tellement celle de l’absence de bonheur mais plutôt celle de son inaptitude à le réaliser.
C’est pourquoi le signe que Jésus consent à faire revêt une signification certaine car les actes d’un homme révèlent toujours un trait de son caractère profond. Il faudrait pouvoir se représenter réellement ce qu’étaient les circonstances humaines de ce moment pour parvenir à expliquer totalement le geste du Seigneur. Ce qui est certain c’est qu’il ne refuse pas de participer à la joie de ces familles réunies pour célébrer un mariage. Jésus a d’ailleurs souvent comparé le Royaume de Dieu à des noces. Cela souligne bien le fait que la volonté de Dieu est notre joie et notre bonheur et que son message, qu’il nous transmet par le ministère de son fils, est en vue de nous en montrer le chemin.
Cependant on ne peut manquer de noter une certaine hésitation de la part de Jésus lorsqu’il est question de répondre à la demande de sa mère. Jésus a toujours été animé d’une grande compassion pour les hommes et d’un intense désir de venir en aide à leur pauvreté et à leur ignorance. Mais ce désir a toujours été subordonné à sa loyauté totale envers la volonté de son père car il savait très bien que la volonté divine ne se bornait pas simplement à un bonheur terrestre et matériel pour sa créature. L’homme à courte vue se laisse facilement désemparer devant le spectacle d’un monde se débattant dans une lutte continuelle comme sous le regard indifférent de Dieu. Mais si tous les hommes comprenaient la nature et le caractère d’un vrai bonheur ils abandonneraient bien des luttes vaines et se libéreraient de bien des tourments. Jésus veut bien contribuer au bonheur des siens, mais pas au détriment de leur progression spirituelle et de leur aptitude mentale à saisir les vraies valeurs.
      1. Le désir de Marie et l’heure du maître
L’intervention de Marie auprès de son fils est visiblement calculée et cette spontanéité sentimentale se nourrit de l’espoir bien humain de voir ce fils affirmer publiquement son caractère messianique. Comme tous les juifs de ce temps, Marie et les disciples attendaient avec impatience le moment où le messie prouverait qu’il en est un par les démonstrations de son pouvoir pour donner à sa nation la prospérité matérielle et la liberté. Marie n’oubliait pas les promesses et les prophéties concernant la personne du messie et l’avenir d’Israël et elle était très consciente du rôle privilégié qui pouvait être le sien dans cette affaire. Qui ne l’aurait pas été à sa place ?
C’est à cette occasion qu’elle reçoit son premier choc affectif d’importance car l’hésitation de Jésus ne lui passe pas inaperçue et sa réponse lui reste en grande partie inaccessible. Il est vrai que Jésus sera un jour universellement connu comme souverain suprême d’un Royaume éternel de lumière et de joie mais, comme le déclare le prophète Esaïe, autant les cieux sont élevés au dessus de la terre, autant les voies et les pensées de Dieu sont supérieures à la pensée des hommes (Esaïe 55 :9)
L’heure de la manifestation royale de Jésus sonnera mais selon des plans et des procédés qui assureront à toujours le bien et le bonheur de ses sujets. Marie, comme les disciples, en est encore au stade de l’enfance spirituelle et de la foi primitive qui ne discerne pas le caractère fondamentalement spirituel du Royaume de Dieu. C’est un trait particulier à toute l’enfance que le désir des satisfactions immédiates et de l’incapacité d’investir l’énergie de récoltes futures.
Jésus ne refuse pas de descendre au niveau de la compréhension bornée des hommes quand il s’agit de les encourager à croire. Tous les parents normaux savent se mettre à la portée de la mentalité inexpérimentée de leurs enfants quand il convient de les stimuler dans l’apprentissage de leur vocation d’homme. Les enfants n’ont qu’une vision très restreinte et très égocentrique du monde qui les entoure et le moindre incident dans leur existence prend des proportions universelles ; c’est pourquoi ils se disputent facilement pour un morceau de bois ou pour un bâton.
Cette attitude de l’enfance peut malheureusement se transposer souvent dans le comportement des adultes qui refusent de grandir spirituellement. Jésus comprenait bien sa mère humaine et ses disciples qui ne voyaient pour l’instant que la gloire matérielle de leur patrie et les satisfactions personnelles de leurs ambitions terrestres. Ils désiraient que Jésus agisse sur le plan immédiat et local alors qu’en réalité son œuvre avait une portée universelle, une répercussion cosmique et une éternelle durée.
On peut mesurer la chemin parcouru par la Révélation en méditant sur les déclarations que l’apôtre Paul fera plus tard sur l’universalité du ministère de Jésus, entre autres voir par exemple Philippiens 2 :9-11. Une élévation purement matérielle sans formation ni préparation spirituelle ne réussit qu’à éveiller l’orgueil et susciter des jalousies. La gloire matérielle n’est pas exclue de l’univers ni de l’avenir des hommes, elle est décrite dans l’Écriture comme l’ornement impérissable de la nouvelle Jérusalem et de la nouvelle terre, mais il est bien précisé que si ces choses sont possibles c’est parce que la justice et la droiture prévaudront. Or, ces vertus sont immatérielles et d’essence spirituelle et la gloire matérielle subsiste quand elle est le reflet d’une réalité spirituelle.
      1. La déception de Marie
Si nous pouvons discerner les vrais motifs de l’intervention de Marie ce n’est pas par une libre supposition. Jésus n’en était qu’au début de sa manifestation publique et il suffit de se reporter aux récits qui suivent pour se rendre compte combien il était incompris de ceux qui lui étaient le plus proche. Jésus a incontestablement surpris et déçu sa propre famille par son indifférence de plus en plus affichée de la gloire humaine. Son comportement les décevait sur le plan de leurs ambitions terrestres au point qu’ils en arrivèrent à penser que Jésus n’est plus dans son bon sens. Sa mère et ses frères se concertaient pour essayer de le dissuader de continuer dans cette voie qui lui vaut de plus en plus l’hostilité ouverte de certains chefs religieux. Ils voudraient se saisir de lui et le ramener à la maison. Nous pouvons lire cela dans Marc 3 / 21-35.
Faisons bien attention quand nous insistons auprès de Dieu pour avoir des preuves matérielles de sa puissance car nous risquons d’être d’autant plus déçus, par la suite, que nous aurons mal compris le caractère occasionnel de son intervention. Il est de première importance que notre foi devienne de plus en plus spirituelle jusqu’à la capacité de se passer complètement de tout signe matériel pour l’appuyer.
D’ailleurs, cela a été une des formes de la pédagogie de Jésus que d’enseigner ses disciples en leur apprenant à croire sans voir. Il est vrai qu’ils ont été de puissants instruments entre les mains de Dieu au cours de leurs ministères mais ils l’ont été pour éveiller la foi des autres. Quand à eux, ils ont appris à supporter les inévitables persécutions de cette époque et à mourir dans d’obscures prisons sans l’ombre d’un espoir de délivrance matérielle. Mais leur foi avait fait du chemin et ils étaient devenus comme leur Maître.
      1. Un procédé significatif
Remarquons bien que Jésus est intervenu sans avoir l’air d’intervenir. Il n’a fait que donner un ordre tout à fait naturel en demandant qu’on remplisse des vases de pierre qui se trouvaient normalement à leur place. Jésus a toujours évité de donner un caractère insolite et magique à ses interventions miraculeuses. Il a agit en Maître, connaissant parfaitement la nature des choses sur lesquelles il intervient.
Il accepte, pour cette unique fois, de faire du vin mais il le fait avec de l’eau. Il ne crée pas, il transforme. S’il est admis que le vin est un symbole de joie et d’Esprit dans les écritures nous pouvons penser que cette occasion concordait avec son désir de donner un signe en relation avec ce Royaume spirituel qu’il voulait inaugurer dans le cœur des hommes.
Les vases vides peuvent être remplis à condition qu’il y ait quelque chose dedans. C’est la logique du seigneur ; il a dit une fois : on donnera à celui qui a. En effet, comment être rempli sans d’abord avoir le désir d’être rempli. Ceux qui envient la foi des autres ne peuvent la posséder sans être rempli du désir de l’avoir. Si quelqu’un veut connaître la vérité il faut qu’il la désire. C’est une loi du Royaume spirituel de Dieu que seulement celui qui désire y entrer peut y entrer. C’est un Royaume de liberté qui ne peut recevoir que ceux qui consentent librement d’y accéder. C’est pourquoi Jésus refuse de contraindre les gens à croire superficiellement en neutralisant leur pensée par des miracles incontrôlés.
Mais il faut aussi que le désir soit pur et conforme au plan de Dieu pour assurer le bonheur et la vraie joie. Pour avoir désiré à tout prix un messie à la mesure de leurs ambitions terrestres, les juifs d’alors on eu des faux messies qui les ont séduits et trompés. Actuellement l’idée du messie est beaucoup plus évoluée et beaucoup plus noble. Elle se rapproche de la notion spirituelle et ce cheminement prépare le terrain pour la grande révélation finale qui touchera la planète entière. Les prophètes ont annoncé cet événement qui verra les petits et les grands ( le peuple et les chefs) être remplis de l’Esprit du Messie qui leur permettra d’être alors véritablement le peuple messianique pour toute la terre. De Sion sortira la loi et de Jérusalem la parole de l’Éternel.
C’est ainsi que la première nouvelle manifestation publique du Messie se produira lorsqu’il changera l’eau en vin, les larmes en chants d’allégresse. C’est dans les cœurs que s’écrira la loi et non plus sur les parchemins poussiéreux des traditions humaines. Jérusalem n’est pas encore la ville de la liberté spirituelle mais le deviendra un jour pour la joie de tous les peuples. Toutes les formes d’asservissement dogmatique ou rituel y sont encore représentées mais la puissance de l’adoration en esprit et en vérité fera un jour table rase de tout cela. L’eau sera changée en vin parce que c’est le désir du Seigneur qu’il en soit ainsi et il fera cela exactement au temps convenable. Ce qu’il a dit s’accomplira.
      1. Le meilleur vin est à la fin
Il arrive toujours un moment où quelque chose finit. On ne peut s’opposer à cette échéance. C’est le sujet de bien des regrets pour ceux qui n’ont pas encore réussi à élever leur pensée au niveau de l’interprétation spirituelle des choses et des faits de la vie présente. Lorsqu’on accepte de grandir spirituellement on découvre que les choses changent pour laisser en réalité la place à quelque chose de meilleur.
Bien que les joies de notre enfance aient été précieuses à nos cœurs nous ne voudrions cependant pas n’avoir perpétuellement que cela. La vie nous a enseigné la valeur profonde des choses et nous devrions normalement toujours éprouver, non le regret des bonnes choses passées, mais la joie de savoir que celles qui viennent sont encore meilleures.
Les autres ont parfois besoin que nous les aidions à obtenir les preuves matérielles de la bonté de Dieu et nous le ferons d’autant plus efficacement que nous aurons dépassé ce stade infantile de la foi pour nous fonder toujours plus profondément sur les certitudes spirituelles de la foi, constamment progressive.
Que le peuple d’Israël ne se contente pas de regretter les gloires passées. Comme le dit le prophète Aggée : La gloire de cette dernière maison sera plus grande que celle de la première.
Que le croyant ait le courage de sortir de l’enfance spirituelle pour accéder à la joie toujours plus profonde de boire à la source sans cesse nouvelle d’une toujours meilleure connaissance de Dieu et de son règne spirituel sur les cœurs.
Samuel Guilhot
15/ 02/ 1970

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