jeudi 12 mars 2015

Être comme les enfants

Lecture : Matthieu 18/ 1 à 10
« En vérité je vous le dis, si vous ne changez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le Royaume des cieux »
« Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car je vous dis que leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux »

Le Royaume des cieux est une réalité si étendue, si complexe et si magnifiquement organisée, qu’il nous serait à jamais impossible d’y entrer s’il fallait d’abord le comprendre et l’expliquer. Un enfant qui rentre dans le monde par la naissance, y vient avec l’ignorance la plus totale de ce qui l’entoure. Il ne peut rien comprendre ni rien expliquer de sa naissance, ni de la famille qui est la sienne. Il vit, il respire, il a faim et il prend corporellement contact avec la réalité de son existence. Il s’y intègre progressivement, il la ressent et elle devient une chose qui lui appartient en propre. Il aspire naturellement et spontanément à vivre avec tout son être et à pouvoir utiliser tous ses moyens pour cela. Il regarde avec attention ce que font les grands et fait, d’emblée et à priori, entièrement confiance à ce qu’on lui enseigne. C’est, en vérité, une chose terrible que de tromper sciemment un jeune enfant.


Les auditeurs de Jésus auraient aimé avoir beaucoup d’explications sur le royaume des cieux. Comme tous les autres hommes, ils étaient curieux et impatients de savoir ce qui se passe dans ce royaume. Même un docteur de la loi, un savant, un érudit, était venu vers Jésus, une nuit, pour en savoir davantage.(Jean 3). Mais cet homme, voulant d’abord comprendre avec son intelligence naturelle, avait été incapable d’interpréter correctement les paroles de Jésus. Il n’avait pas encore saisi spirituellement la vérité. Il lui fallait devenir comme un enfant, c’est-à-dire s’éveiller au monde spirituel dont il ignorait tout parce que c’est avec les sens spirituels qu’on le perçoit. Le sens physique, ou intellectuel, ou moral, est du domaine de la réalité terrestre. Mais pour comprendre le céleste, il faut un sens spirituel. C’est un sens de nature supérieure, il est au dessus de la raison, et sert comme un intermédiaire pour tracer la voie entre l’humain et le divin.

C’est pourquoi il arrive que nous rencontrions des hommes exceptionnellement doués intellectuellement qui sont incapables de comprendre quelque chose du langage spirituel. Ils ne sont pas plus défavorisés que les autres, mais ils ne font pas la différence entre le développement intellectuel et spirituel. De plus, ils croient souvent que le spirituel signifierait pour eux une humiliation et un renoncement à leur besoin d’évolution humaine. C’est une erreur commune de croire cela car, en réalité, l’illumination spirituelle enrichit toujours les facultés intellectuelles d’une nouvelle dimension. Il ne faut pas confondre le sens religieux et le sens spirituel. Le premier est naturel à tout homme, mais le second est d’origine divine et on sait qu’il est réellement cela, non par des explications, mais par l’expérience de sa découverte. Comme l’enfant découvre la vie, ainsi nous découvrons la réalité du monde spirituel par l’expérience personnelle de la foi.

      1. Se convertir

C’est un mot qui est trop souvent mal compris. Il ne signifie pas qu’il faille changer de religion, ce qui ne serait qu’un changement d’idée, ou d’opinion. Dans la pensée de Jésus cela signifie exactement : un retournement. Ce retournement met à leur vraie place les composants de la personnalité humaine : le spirituel prend sa place dominante pour contrôler les activités de l’âme et du corps afin de les unifier et de les harmoniser. C’est pourquoi une vraie conversion est toujours accompagnée de paix profonde et de joie réelle. On peut donc dire : tout homme a besoin de se convertir, quelle que soit son appartenance religieuse. C’est une expérience essentiellement personnelle et qui a nécessairement des résultats pratiques.

Se convertir, c’est s’éveiller à la réalité de la vie spirituelle, comme l’enfant s’éveille à la réalité matérielle qui l’entoure. Tout doit avoir un commencement, et il est illogique de prétendre qu’un enfant est chrétien avant de le devenir. Un rituel quelconque ne peut remplacer, ni valoir, l’acte volontaire et conscient de celui qui décide de faire l’expérience de Dieu en ayant foi en lui. Il ne s’agit pas de devenir chrétien au sens d’adopter la religion chrétienne. Il s’agit de devenir ce que le mot «  chrétien » signifie exactement : un OINT de l’ESPRIT. Dans ce sens, n’importe quel homme de n’importe quelle religion peut devenir chrétien.

Jésus montre que c’est en devenant COMME LES enfants qu’on se convertit. Si les enfants nous sont cités en exemple, ce n’est pas parce que Jésus veut que les hommes deviennent enfantins ou naïfs. Non pas comme DES enfants, mais comme LES enfants.

Ce qui caractérise les jeunes enfants c’est leur simplicité. Cette simplicité fait qu’ils sont, dans leur comportement, exactement ce qu’ils sont intérieurement. Ils expriment et vivent selon ce qui se passe au-dedans d’eux, sans honte et sans crainte. Ils sont naturels et spontanés, tout est vrai dans leur attitude.

Paul dit à Timothée qu’il y aura, dans les derniers temps, des hommes ayant une piété extérieure mais en reniant ce qui en fait la force, (2 Timothée 3/ 5). Ce qui fait la force et l’efficacité de la piété est, en effet, la présence intérieure de l’Esprit. Sans cette présence spirituelle, qui est un don de Dieu, il n’est pas possible de progresser dans la croissance spirituelle et de grandir vers la maturité de l’homme spirituel.

On ne peut pas objectivement prouver la présence en soi de l’Esprit, ni démontrer l’étendue de son activité. L’enfant n’est pas conscient de sa croissance et du travail intérieur de son mécanisme physiologique. Mais, sans même pouvoir expliquer comment cela se passe, on peut constater sa croissance. L’enfant reçoit ce qui lui est donné pour cela : la nourriture. C’est ainsi que, par la foi, nous recevons les enseignements de Jésus et nous en constatons la valeur et l’efficacité par les résultats. Les réalités spirituelles deviennent de plus en plus claires, le monde spirituel se précise et notre capacité à discerner les choses de Dieu s’accroît. Les fruits prouvent l’arbre. Entrer dans le royaume de Dieu est une activité progressive de notre esprit lorsqu’il perçoit de plus en plus nettement les vérités spirituelles, qu’il s’y attache de plus en plus fortement en les aimant et en les appréciant, non comme des idées ou des concepts intellectuels, mais comme des faits révélant Dieu.

      1. Les inevitables scandales

Il serait plus correct de parler des « occasions de chute ». Jésus dit, dans le texte, qu’il est nécessaire que se produisent des occasions de chute, ou des scandales. Il dit cela en parlant des enfants car ils représentent le peuple des simples et des humbles que l’on peut facilement tromper ou séduire. Il est nécessaire qu’il y ait des conducteurs d’hommes et de maîtres pour enseigner, mais en même temps se lève aussi la tentation de dominer arbitrairement les âmes, et le risque devient grand de les perdre au lieu de les sauver. Il n’est pas facile d’être à la fois un maître et un exemple. Jésus a été cela. Il n’a jamais profité de sa supériorité pour dominer et tromper les âmes ignorantes ; il les a, au contraire, entraînées dans le sillage de son exemple et stimulés par la puissance de son amour.

C’est ce qu’il fait toujours par son Esprit de vérité qui a été généreusement répandu et qui rencontre infailliblement le chercheur sincère. Lorsque la vérité semble vouloir nous entraîner en marge de nos traditions, nous nous demandons si nous n’allons pas nous égarer. C’est une peur bien compréhensible mais qui ne se justifie pas. Il est impossible, en effet, que la recherche sincère de la vérité ait un aboutissement néfaste. La vérité dans nos cœurs EST une présence vivante, c’est l’ESPRIT de vérité et nous pouvons avoir confiance en lui. Comme l’enfant que Jésus appelle et bénit, nous pouvons être certains qu’il nous bénira aussi quand nous allons vers lui.

La religion, la politique, les systèmes dogmatiques, les organisations cléricales et bien d’autres choses ont souvent déçu les hommes. Et les hommes ont commis la lourde erreur de voir Dieu au travers de ces déceptions, et il leur est apparu déformé et incompréhensible. Dans ces conditions il est normal d’hésiter à entrer dans un royaume qui ressemble trop à celui des hommes.

C’est là qu’il faut encore devenir comme les petits enfants qui voient tout avec des yeux neufs. C’est avec les yeux neufs de l’esprit et de la foi qu’il faut voir Dieu et son royaume. Il ne ressemble en rien à tout ce que le monde peut être ou imaginer. Il est inconcevable sur le plan de la seule raison. Le royaume de Dieu est tout entier celui de la confiance. Nous allons vers Dieu, non parce que nous savons ce qu’il est, mais pour DECOUVRIR ce qu’il est en réalité, et ce que nous découvrirons ira toujours très au-delà de ce que nous avions pensé.

Mais les occasions de chute peuvent aussi venir de nos propres comportements sans que nous ayons à accuser personne d’autre que nous. Jésus emploie souvent des images vives et percutantes à la mesure des orientaux imaginatifs. Il parle de couper la main, ou le pied, ou d’arracher l’œil quand quand ceux-ci sont causes de chute. La meilleure façon d’opérer est de le faire spirituellement. Couper la main à un voleur ne le délivrera pas forcément de son envie de voler. C’est son esprit qui doit changer. Il doit se convertir, changer son esprit et utiliser ses membres pour faire ce qui est bien. C’est radical et c’est cela que Jésus veut enseigner.

Entrer dans le royaume c’est peut être, pour certains, y entrer boiteux ou borgne. C’est peut-être se trouver en situation d’infériorité par rapport à un monde sans scrupule quand on devient honnête et scrupuleux. Mais on n’est pas pour autant orphelin et celui qui bénit les enfants saura aussi nous bénir en changeant pour nous la mal en bien.

      1. Les messagers celestes

Lorsque nous avons des enfants à notre charge, nous prenons un soin particulier de leur sécurité. Nous savons qu’ils ne sont pas en âge de faire face au danger et qu’ils ont besoin d’être toujours accompagnés. Ils ont aussi besoin de nous sentir prés d’eux et de savoir que nous avons les moyens de les protéger et de les défendre. L’enfant trouve, d’ailleurs, cela tout naturel et tout normal, et sa confiance est donc totale.

Sur la route de l’aventure spirituelle il n’en est pas autrement, et notre Père céleste a une parfaite connaissance de nos besoins. Il a pris toutes les dispositions nécessaires pour notre sauvegarde et nous pouvons être entièrement rassurés quant à notre avenir. Il est vrai que nous pouvons, comme tous les enfants, être parfois désobéissants et nous exposer à toutes sortes de difficultés, mais sa main miséricordieuse sait nous ramener vers lui quand nous sommes sincèrement désireux de faire sa volonté.

Il y a encore beaucoup de croyants, et encore plus d’incroyants, qui n’acceptent pas l’idée que notre terre est sans cesse parcourue par des êtres invisibles, les messagers célestes envoyés de Dieu pour exercer un ministère secourable auprès des humains. Sans leur concours, notre terre serait dans une lamentable situation de désordre et d’anarchie. Les circonstances présentes font nettement sentir qu’une sorte de mur invisible s’oppose, malgré tout, au pire. Les anges de Dieu sont une réalité, ils sont parfaitement organisés pour s’occuper des groupes humains et des individus, et accomplir des tâches précises. Ils respectent la liberté humaine tout en assurant la réalisation des plans de Dieu, mais ils sont particulièrement efficaces là où la volonté de l’homme se met en accord avec celle de Dieu. C’est pourquoi, bien que nous ne puissions plus combattre avec les mêmes armes que nos adversaires, nous pouvons être assurés de l’aide divine quand nous sommes devenus de vrais enfants de Dieu par la foi.

Nous devons donc croire fermement que nous ne sommes pas seuls ni orphelins sur la terre quand nous sommes devenus des citoyens du royaume de Dieu. Un état protège toujours ses ressortissants lorsqu’ils sont à l’étranger. Et nous sommes comme des étrangers sur la terre. Jésus faisait remarquer que ses disciples étaient dans le monde mais qu’ils n’étaient pas du monde. Il est vrai que, au cours des siècles, beaucoup d’enfants de Dieu fidèles sont tombés sous les coups des persécuteurs ; mais ce n’est que leur corps matériel qui a péri, et ils en étaient pleinement conscients. Ils sont rentrés un peu plus tôt que les autres dans la Maison céleste, c’est tout.

Si nous croyons être un jour dans le royaume de Dieu, c’est parce qu’il est déjà présent dans nos cœurs. Un enfant ne doute pas qu’il héritera de ses parents, et nous ne pouvons pas davantage douter des valeurs impérissables qui sont à notre disposition dans toute la mesure où nous sommes capables de nous les approprier.

Pour être un enfant de Dieu, il suffit de naître spirituellement. Cette naissance est automatiquement réalisée quand un homme a simplement décidé de mettre sa propre volonté en accord avec celle de Dieu. C’est de l’union de ces deux volontés que vient à l’existence un nouvel être spirituel, un enfant qui va devenir un fils de Dieu.
Samuel GUILHOT
05/04/1970

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