mardi 26 février 2013

La chair et le sang de Jésus

Lectures : Jean 6/ 46 à 71 ; Matthieu 26/ 26 à 29

Le verset 46 de Jean 6 nous montre qu’il est indéniable que Dieu a placé en tout homme la possibilité de trouver Dieu. La lumière est venue chez les hommes mais pour beaucoup il manque malheureusement le souffle de la foi pure et directe pour ranimer cette lumière intérieure qui peut si prodigieusement illuminer la conscience. S’il est vrai, comme le fait remarquer Jésus, que personne n’a jamais vu le père cela ne l’empêche pas d’être présent dans le cœur de l’homme pour l’inciter patiemment et avec beaucoup de bonté à croire en Lui. C’est là le premier enseignement que chacun peut percevoir en Lui ; non un enseignement avec des mots audibles qui frapperait uniquement l’intelligence mais cette sorte de constant attrait sur la conscience profonde vers autre chose, vers quelque chose de plus grand, de plus pur, de plus vrai et de plus beau, quelque chose qui échappe à l’emprisonnement du temps et de l’espace : en un mot, la vie éternelle.

Le pain de la culture humaine ne manque certes pas de saveur ni d’ingéniosité ni même de beauté, mais c’est une nourriture qui ne peut en aucun cas répondre à cette soif profonde d’éternité qui nous fait tous soupirer de différentes manières, que nous le voulions ou non. Le pain que Jésus nous propose n’est comparable à aucun autre par sa qualité et par son efficacité pour nourrir notre cœur et notre esprit de réelles certitudes.

La vie éternelle est une réalité du présent

Ce n’est pas avec des mots et des phrases que nous pouvons nous assurer de cette réalité. En matière religieuse, il convient d’être réaliste aussi bien que dans les autres domaines de la vie courante. Ce réalisme consiste à reconnaître le besoin toujours constant de notre cœur de pouvoir s’appuyer sur des certitudes par lesquelles l’horizon de notre existence sera infiniment reculé. Il est bon d’espérer mais pas d’une façon résignée et passive.
Si la vie éternelle est une réalité du présent, elle doit avoir de profondes répercussions sur le caractère de notre vie terrestre. Beaucoup de gens croient vivre chrétiennement parce qu’ils se conforment à certaines habitudes religieuses héritées de leur enfance mais sans que cela modifie d’une manière quelconque leur comportement en face de l’existence. Ils ne sont ni plus heureux, ni plus satisfaits que les autres et n’éprouvent en tout cas pas ce profond désir de communiquer autour d’eux le témoignage réconfortant de leurs expériences religieuses et de leur contact personnel avec Dieu.
Il est lamentable de constater parfois l’ignorance des enseignements élémentaires de Jésus chez ceux qui se réclament du christianisme. La majeure partie des hommes et des femmes ont été baptisés et consacrés à l’église chrétienne alors qu’ils étaient encore que des bébés inconscients mais dans l’expérience réelle de l’existence on ne voit pas beaucoup de résultats à la suite de ce rituel imposé. Le monde reste ce qu’il est et les anciens « baptisés » restent souvent dans un total aveuglement concernant la réalité et l’expérience spirituelle avec Dieu.
Comprenons bien que c’est la vie qui donne aux choses leur valeur. Un bel enfant vivant a quelque chose de gracieux et d’attirant qui fait plaisir à voir et à entendre et que l’on aime. Mais s’il vient à perdre la vie, ce n’est plus qu’une chose qu’il faut ôter de devant soi et enterrer. N’est-ce pas là un peu l’image que l’on peut se faire de la religion chrétienne et qui explique pourquoi elle n’a aucun attrait quand elle est dépourvue de vie et de certitudes.

Le signe certain de la vie éternelle

Si la vie éternelle est une simple espérance de vivre à toujours dans le ciel, elle ne peut nous apporter une réelle satisfaction pour le temps présent. Même la certitude de cette vie à venir ne suffit pas à nous encourager et à nous réconforter si nous n’avons pas compris son caractère essentiel qui est la croissance.
Toute vie normale se manifeste par la croissance et le développement continu des facultés d’adaptation, de perception et de compréhension. C’est ainsi que nous devenons des hommes et atteignons la maturité.
Sur le plan terrestre c’est donc au moment où l’on pourrait le mieux profiter de la somme de ces expériences passées qu’il faut disparaître. C’est ce qui fait le chagrin de beaucoup de vieillards. Lorsque nous considérons la mort comme la fin d’une étape nous la comprenons mieux car nous ne pouvons pas vivre indéfiniment dans un organisme matériel de chair et de sang trop assujetti aux limitations que nous lui connaissons.
Nous ne pouvons être vraiment heureux que dans l’expérience d’une continuelle croissance et si celle-ci est physiquement limitée, elle est spirituellement illimitée. C’est pourquoi le développement de notre vie spirituelle est la seule chose qui puisse en démontrer la réalité. Nos affirmations théoriques ou doctrinales ne sont pas forcément une preuve de croissance spirituelle mais c’est d’abord la transformation de notre vie qui en est une. C’est ce que Jésus veut montrer à son peuple en des termes étranges.

Manger la chair et boire le sang du fils de l’homme

La ville de Capernaüm dans laquelle Jésus tient son discours avait une mentalité particulière et ce n’est pas pour rien que le Seigneur emploie cette surprenante image. A la place des gens nous aurions été certainement aussi surpris et choqués. Jésus n’a jamais choqué personne par sa vie morale mais son comportement religieux a parfois montré qu’Il n’était nullement l’esclave des traditions ou des rites de son époque. Ce qu’Il voulait, c’était de donner l’exemple de la supériorité de l’amour dans son élan libre et spontané sur la complexité rigide d’un rituel dépourvu d’efficacité.
L’origine des cérémonies sacrificielles remonte bien au-delà de Moïse. Bien avant lui, l’homme a éprouvé le besoin d’apaiser la divinité ou de se l’associer par ces pratiques sanglantes. Sur l’ordre de Dieu, Moïse n’a fait qu’amener les humains à un niveau plus moral et plus proche des significations spirituelles. Les sacrifices ont été purifiés par un choix particulier des victimes à offrir et sur la façon de les offrir de même qu’a été décrété l’interdiction absolue de sacrifier des êtres humains.
Manger la chair humaine comme boire du sang était une chose interdite et une abomination. Certains peuples non juifs le faisaient, le peuple hébreu lui-même avait suivi parfois ces coutumes idolâtres au cours de son histoire.
Il est indéniable que, même dans leur idolâtrie, les hommes ont recherché ce quelque chose, ce contact avec le divin pouvant les aider à réaliser leurs espérances et à assurer leur survie. C’est avec condescendance et compassion que Dieu a aidé sa créature à gravir les échelons de la révélation par le moyen d’un symbolisme approprié. Cependant il ne pouvait pas les maintenir indéfiniment sur le même barreau, et Jésus, loin d’ignorer la loi particulière aux Juifs, s’en est servi pour leur permettre d’atteindre un stade supérieur, une compréhension de plus en plus spirituelle des enseignements de Moïse.
A ce que nous avons l’habitude de faire ou de penser en matière religieuse, il y a toujours quelque chose de supérieur. Tout nous est donné pour nous permettre d’obtenir davantage. La proposition de Jésus n’invite pas à une régression mentale mais à une supériorité philosophique et spirituelle. Ses paroles devaient éveiller chez ses auditeurs un sens nouveau des réalités. Aussi vrai que la chair et le sang sont des éléments visibles et matériels, aussi vraies sont les réalités spirituelles.
De même que l’idéal humain et l’élévation spirituelle sont traduits en Jésus dans l’existence matérielle de chair et de sang, ainsi celui qui reçoit le message de Jésus reçoit en lui une vie spirituelle et idéale qui ne peut manquer de se manifester d’une façon visible dans l’existence concrète de sa vie matérielle et physique.
Manger la chair et boire le sang du fils de l’homme, c’est littéralement reproduire la vie terrestre de Jésus en ce qu’elle représente de qualité morale et d’élévation spirituelle.
On peut discuter à l’infini sur la signification dogmatique des paroles de Jésus, il n’en demeure pas moins qu’elles visent une nouvelle révélation : celle de l’esprit.
Si Jésus a finalement accepté de mourir à la façon d’un être sacrifié c’est surtout et d’abord pour souligner la supériorité de l’obéissance à Dieu dans l’amour sur toutes les autres formes de sacrifice. « Que Ta volonté soit faite et non la mienne ».

La fatigue de dieu

C’est ainsi que pourrait se traduire la réaction divine devant le formalisme religieux à l’époque d’Esaïe le prophète qui proclame : « Qu’ai-je affaire de la multitude de vos sacrifices ? dit l’Eternel. Je suis rassasié des holocaustes… Je ne prends point plaisir au sang des taureaux… mon âme hait vos nouvelles lunes et vos fêtes… Je suis las de les supporter. Cessez de faire le mal, apprenez à faire le bien, recherchez la justice… » (Esaïe 1).
Il est clair que le but de Dieu a toujours été l’éducation spirituelle de son peuple et non la simple satisfaction d’exigences rituelles. La loi écrite sur les tables de pierre au temps de Moïse devait être celle inscrite sur les cœurs et dans les consciences au temps de Jésus.
Les mêmes paroles d’Esaïe pourraient malheureusement se faire entendre à nouveau sur une chrétienté sclérosée dans le formalisme. Mais les effets d’une telle religion ne se font pas longtemps attendre et on la constate de plus en plus aujourd’hui : la disparition de la paix de l’esprit et du cœur et l’ébranlement des structures anciennes et des systèmes religieux.
Depuis que Jésus a offert aux hommes son message libérateur et son Esprit de Vérité et de puissance, le temple de Jérusalem a disparu et, avec lui, les pratiques sacrificielles. Ce temple était un magnifique symbole de la puissance et de la beauté de la vérité mais lorsque le symbole s’oppose à la vérité spirituelle qu’il représente, il doit disparaître et d’autant plus quand la vivante réalité de l’Esprit Divin se manifeste comme elle l’a été dans la personne de Jésus. Cette histoire n’est pas une coïncidence mais constitue une étape nouvelle de la révélation de Dieu aux hommes et celle-ci est loin d’être terminée comme nous allons le voir.

Vers une révélation nouvelle

La révélation est constante mais elle ne s’impose pas. C’est ainsi que Jésus invite ses disciples à rester ou à le quitter comme ont fait ceux qui trouvaient Sa parole trop dure à comprendre. Si nous voulons approfondir et purifier notre connaissance ou notre compréhension de la divinité, nous ne pouvons le faire sans un réel désir et un amour de la vérité. C’est parce que Dieu tient compte de notre libre personnalité que Jésus nous enseigne à demander pour recevoir, à chercher pour trouver et à frapper pour qu’on nous ouvre. Il faut vraiment manger et boire la substance vivante et spirituelle offerte par la Parole de Jésus et par toute la Bible. Personne ne peut manger et boire à la place d’un autre et c’est par un effort tout à fait personnel que nous devons obtenir de Dieu ce qu’Il nous propose. Ce n’est pas un effort surhumain qui nous est demandé mais celui de la bonne volonté à laquelle Dieu fait la promesse de se laisser trouver.
Lorsque Jésus prend son dernier repas avec ses disciples et institue la Sainte Cène, Il met l’accent sur le fait qu’Il ne boira plus de ce vin jusqu’à ce qu’Il en boive du nouveau dans le royaume de Dieu avec eux.
Si la Sainte Cène représente actuellement la réalité d’une communion spirituelle avec le maître, les signes matériels de cette même Cène rappellent aux croyants que c’est à eux de lui donner sa véritable signification : c'est-à-dire leur sincère désir de lui ressembler en amour et en obéissance à la Volonté de Dieu. La seule preuve de la Vérité qui nous puissions donner n’est ni dans la doctrine, ni dans les miracles mais dans la croissance constante de notre élévation morale et spirituelle.
Bientôt, dans le ciel, une nouvelle révélation nous sera donnée et nous boirons avec joie ce vin nouveau car les œuvres de Jésus ne sont jamais terminées. De même que la création se poursuit toujours dans les mondes infinis de l’univers, de même nous sommes appelés à partager avec notre maître les gloires d’une activité infinie.
Mais, parmi tout ce qui est grandiose dans la création, rien ne l’aura autant été que cette patiente et progressive révélation de Dieu pour conduire l’homme du stade animal et matériel à celui de divin fils de Dieu qui est Esprit et qui veut que sa créature parvienne à Lui ressembler.

Samuel GUILHOT 26/ 10/ 1969

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